ET si la didactique pouvait améliorer le rapport entre vulgarisateur scientifique et jeune lecteur
Qu’on la découvre par l’intermédiaire des organismes des vulgarisation scientifique, dans les musées, la littérature jeunesse de vulgarisation scientifique, à la télévision, sur les tablettes numériques ou à l’école, la culture scientifique des jeunes élèves du primaire provient de différentes sources. Si l’école apparaît comme le lieu pour accéder à la culture, elle n’est pas la plus importante de ces sources de vulgarisation scientifique. En fait, la culture scientifique provient peut-être plus des autres sources que de l’école : les organismes de vulgarisation scientifique proposent des ressources (pensons par exemple aux revues des Débrouillards) et l’école est souvent restreinte à un simple rôle d’utilisateur de ressources.
Lorsqu'on se penche sur la littérature de vulgarisation scientifique pour les jeunes lecteurs du primaire, on réalise qu'elle n’est pas toujours aussi efficace qu’elle pourrait l’être peut-être parce qu’elle présente des concepts scientifiques bien souvent sans se soucier de ce que les jeunes lecteurs pensent, des idées qu’ils ont (ce qu’on appelle conceptions alternatives). Il est possible d’élaborer un autre texte de vulgarisation scientifique qui tient compte des conceptions que les jeunes lecteurs ont en tête. Ce texte peut avoir comme objectif de changer, de faire évoluer les conceptions souvent non scientifiques des lecteurs pour en faire des conceptions qui se rapprochent des concepts validés par les chercheurs. Afin d’accompagner les vulgarisateurs scientifiques dans l’élaboration de ressources de vulgarisation scientifique adaptées aux conceptions alternatives des jeunes lecteurs, et ultimement les amener à remettre en question leurs idées préconçues, nous avons identifié un dispositif didactique conçu essentiellement pour le travail en classe : le texte de réfutation. Ce texte énonce d’abord une conception alternative, puis la réfute, pour ensuite présenter l’explication scientifique du phénomène décrit. J’ai donc élaboré un modèle qui s’appuie sur les concepts de la didactique pour rédiger des textes de vulgarisation scientifique afin de faire évoluer les conceptions que les jeunes ont en tête. Ce modèle a été mis à l’essai avec deux vulgarisateurs scientifiques engagés dans l’écriture de textes pour les jeunes et 83 lecteurs de cinquième année du primaire issue d’une même école. De l’idée de départ à l’article publié, nous décrivons ici les moments forts de ce modèle de transposition des savoirs..
1. D'abord un idée forte
Une idée prometteuse pour un article peut venir de toutes parts : d’un savoir savant (une récente découverte scientifique, une innovation technologique, un entretien avec un chercheur, etc.), d’un savoir déjà vulgarisé (un article ou une émission de VS destinée aux adultes, par exemple), de l’actualité scientifique (le souci de souligner l’anniversaire d’un événement marquant, par exemple), d’une photographie ou d’une image intéressante, de la rédaction d’un magazine thématique, etc. Qui plus est, cette idée peut être amorcée par le vulgarisateur lui-même ou par toute autre personne de l’équipe de rédaction.
2. Une information bien documentée
Pour s’informer, le vulgarisateur scientifique s’entretient avec un professionnel (ingénieur, médecin, entraîneur, etc.) et/ou un chercheur, en plus de consulter différents ouvrages de référence. Ce moment clé permet au vulgarisateur scientifique de nourrir sa
3. Prendre appui sur les idées des jeunes lecteurs
Pour avoir une meilleure connaissance des conceptions fréquentes des jeunes lecteurs visés par l’article, le vulgarisateur scientifique peut s’entretenir avec un jeune lecteur, consulter un ouvrage de didactique et la Progression des apprentissages du primaire (MELS, 2009). L’adéquation de ces sources d’information fournit des indices précieux au vulgarisateur, tant sur le contenu que sur les conceptions fréquentes des lecteurs et le niveau de formulation des concepts dont il faudra tenir compte. S’il n’est pas toujours facile de rencontrer un jeune lecteur, le vulgarisateur pourra interpeller un enseignant (par courrier électronique, par exemple) qui pourrait questionner ses élèves. De plus, plusieurs ouvrages de didactique recensent des conceptions fréquentes d’élèves du primaire sur différents concepts scientifiques. Pensons notamment aux ouvrages de Marcel Thouin : Relever des défis scientifiques et technologiques (2012), Éveiller les enfants aux sciences et aux technologies (2010) et Résoudre des problèmes scientifiques et technologiques au préscolaire et au primaire (2011). Aussi, la Progression des apprentissages du primaire (MELS, 2009) permet au pédagogue comme au vulgarisateur scientifique d’avoir une idée des savoirs qui sont au programme scolaire québécois pour chacun des cycles d’enseignement. Sans être prescriptif, ce document officiel donne un aperçu intéressant de la progression des concepts scientifiques qui devraient être abordés au primaire. La prise en compte de ces éléments d’information pourra inspirer le vulgarisateur scientifique dans l’organisation des informations au sein de son texte de VS. À l’inverse, l’organisation des informations peut aussi bien être initiée avant la prise en compte de ces informations, mais ces dernières auront tôt ou tard une portée sur la création de l’article de VS.
3. Traiter l'information
Dans ce modèle, nous avons voulu laisser le plus de latitude possible aux vulgarisateurs scientifiques concernant l’organisation de l’information présentée dans leurs textes. En ce sens, les propos recueillis dans cette recherche nous ont permis de constater que différents paramètres peuvent être pris en compte. Notamment, l’amorce apparaît comme un déterminant majeur pouvant initier l’écriture d’un article de VS. Comment surprendre le lecteur? Comment créer une rupture dans ses idées? Comment lui donner le goût d’en savoir davantage? Autant de questions qui interpellent le vulgarisateur et qui sont susceptibles d’amener par la suite un changement conceptuel. S’il choisit de miser sur la réfutation pour interpeller le jeune lecteur dans ses conceptions, le vulgarisateur scientifique pourra explicitement présenter la conception fréquente, puis la réfuter pour ensuite présenter le savoir validé scientifiquement.
4. Adapter le niveau de formulation
Cette recherche a permis également de mettre en lumière l’importance d’adapter le niveau de formulation des concepts en fonction des conceptions scientifiques du public visé. Si les documents que nous avons cités plus haut peuvent aider le vulgarisateur scientifique à avoir une idée des concepts scientifiques qui font partie du paysage scolaire des lecteurs, il lui faut faire un choix judicieux des concepts scientifiques à aborder, porter attention au nombre de ces concepts, présenter des exemples concrets et prendre soin de définir les nouveaux concepts avec un vocabulaire qui soit adapté au niveau du jeune lecteur. Enfin, certains pièges linguistiques doivent être écartés afin de faciliter une meilleure communication avec le lecteur. Parmi ceux-là, éviter les phrases longues, n’aborder qu’un seul concept par phrase, n’utiliser que les mots des lecteurs plutôt que de privilégier de belles figures de style, etc. S’assurer que le texte soit compréhensible pour le jeune lecteur est un aspect qui est tout à fait au cœur de la communication scientifique. En ce sens, une équipe éditoriale veille à simplifier le texte, à s’assurer d’élaguer ce qui n’est pas nécessaire à la compréhension, à éviter les égarements, etc. Il faut également assurer un processus itératif entre l’écriture du texte initial et les différentes interventions des membres de l’équipe de rédaction.
Lorsqu'on se penche sur la littérature de vulgarisation scientifique pour les jeunes lecteurs du primaire, on réalise qu'elle n’est pas toujours aussi efficace qu’elle pourrait l’être peut-être parce qu’elle présente des concepts scientifiques bien souvent sans se soucier de ce que les jeunes lecteurs pensent, des idées qu’ils ont (ce qu’on appelle conceptions alternatives). Il est possible d’élaborer un autre texte de vulgarisation scientifique qui tient compte des conceptions que les jeunes lecteurs ont en tête. Ce texte peut avoir comme objectif de changer, de faire évoluer les conceptions souvent non scientifiques des lecteurs pour en faire des conceptions qui se rapprochent des concepts validés par les chercheurs. Afin d’accompagner les vulgarisateurs scientifiques dans l’élaboration de ressources de vulgarisation scientifique adaptées aux conceptions alternatives des jeunes lecteurs, et ultimement les amener à remettre en question leurs idées préconçues, nous avons identifié un dispositif didactique conçu essentiellement pour le travail en classe : le texte de réfutation. Ce texte énonce d’abord une conception alternative, puis la réfute, pour ensuite présenter l’explication scientifique du phénomène décrit. J’ai donc élaboré un modèle qui s’appuie sur les concepts de la didactique pour rédiger des textes de vulgarisation scientifique afin de faire évoluer les conceptions que les jeunes ont en tête. Ce modèle a été mis à l’essai avec deux vulgarisateurs scientifiques engagés dans l’écriture de textes pour les jeunes et 83 lecteurs de cinquième année du primaire issue d’une même école. De l’idée de départ à l’article publié, nous décrivons ici les moments forts de ce modèle de transposition des savoirs..
1. D'abord un idée forte
Une idée prometteuse pour un article peut venir de toutes parts : d’un savoir savant (une récente découverte scientifique, une innovation technologique, un entretien avec un chercheur, etc.), d’un savoir déjà vulgarisé (un article ou une émission de VS destinée aux adultes, par exemple), de l’actualité scientifique (le souci de souligner l’anniversaire d’un événement marquant, par exemple), d’une photographie ou d’une image intéressante, de la rédaction d’un magazine thématique, etc. Qui plus est, cette idée peut être amorcée par le vulgarisateur lui-même ou par toute autre personne de l’équipe de rédaction.
2. Une information bien documentée
Pour s’informer, le vulgarisateur scientifique s’entretient avec un professionnel (ingénieur, médecin, entraîneur, etc.) et/ou un chercheur, en plus de consulter différents ouvrages de référence. Ce moment clé permet au vulgarisateur scientifique de nourrir sa
3. Prendre appui sur les idées des jeunes lecteurs
Pour avoir une meilleure connaissance des conceptions fréquentes des jeunes lecteurs visés par l’article, le vulgarisateur scientifique peut s’entretenir avec un jeune lecteur, consulter un ouvrage de didactique et la Progression des apprentissages du primaire (MELS, 2009). L’adéquation de ces sources d’information fournit des indices précieux au vulgarisateur, tant sur le contenu que sur les conceptions fréquentes des lecteurs et le niveau de formulation des concepts dont il faudra tenir compte. S’il n’est pas toujours facile de rencontrer un jeune lecteur, le vulgarisateur pourra interpeller un enseignant (par courrier électronique, par exemple) qui pourrait questionner ses élèves. De plus, plusieurs ouvrages de didactique recensent des conceptions fréquentes d’élèves du primaire sur différents concepts scientifiques. Pensons notamment aux ouvrages de Marcel Thouin : Relever des défis scientifiques et technologiques (2012), Éveiller les enfants aux sciences et aux technologies (2010) et Résoudre des problèmes scientifiques et technologiques au préscolaire et au primaire (2011). Aussi, la Progression des apprentissages du primaire (MELS, 2009) permet au pédagogue comme au vulgarisateur scientifique d’avoir une idée des savoirs qui sont au programme scolaire québécois pour chacun des cycles d’enseignement. Sans être prescriptif, ce document officiel donne un aperçu intéressant de la progression des concepts scientifiques qui devraient être abordés au primaire. La prise en compte de ces éléments d’information pourra inspirer le vulgarisateur scientifique dans l’organisation des informations au sein de son texte de VS. À l’inverse, l’organisation des informations peut aussi bien être initiée avant la prise en compte de ces informations, mais ces dernières auront tôt ou tard une portée sur la création de l’article de VS.
3. Traiter l'information
Dans ce modèle, nous avons voulu laisser le plus de latitude possible aux vulgarisateurs scientifiques concernant l’organisation de l’information présentée dans leurs textes. En ce sens, les propos recueillis dans cette recherche nous ont permis de constater que différents paramètres peuvent être pris en compte. Notamment, l’amorce apparaît comme un déterminant majeur pouvant initier l’écriture d’un article de VS. Comment surprendre le lecteur? Comment créer une rupture dans ses idées? Comment lui donner le goût d’en savoir davantage? Autant de questions qui interpellent le vulgarisateur et qui sont susceptibles d’amener par la suite un changement conceptuel. S’il choisit de miser sur la réfutation pour interpeller le jeune lecteur dans ses conceptions, le vulgarisateur scientifique pourra explicitement présenter la conception fréquente, puis la réfuter pour ensuite présenter le savoir validé scientifiquement.
4. Adapter le niveau de formulation
Cette recherche a permis également de mettre en lumière l’importance d’adapter le niveau de formulation des concepts en fonction des conceptions scientifiques du public visé. Si les documents que nous avons cités plus haut peuvent aider le vulgarisateur scientifique à avoir une idée des concepts scientifiques qui font partie du paysage scolaire des lecteurs, il lui faut faire un choix judicieux des concepts scientifiques à aborder, porter attention au nombre de ces concepts, présenter des exemples concrets et prendre soin de définir les nouveaux concepts avec un vocabulaire qui soit adapté au niveau du jeune lecteur. Enfin, certains pièges linguistiques doivent être écartés afin de faciliter une meilleure communication avec le lecteur. Parmi ceux-là, éviter les phrases longues, n’aborder qu’un seul concept par phrase, n’utiliser que les mots des lecteurs plutôt que de privilégier de belles figures de style, etc. S’assurer que le texte soit compréhensible pour le jeune lecteur est un aspect qui est tout à fait au cœur de la communication scientifique. En ce sens, une équipe éditoriale veille à simplifier le texte, à s’assurer d’élaguer ce qui n’est pas nécessaire à la compréhension, à éviter les égarements, etc. Il faut également assurer un processus itératif entre l’écriture du texte initial et les différentes interventions des membres de l’équipe de rédaction.
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